c'est une heure de nuit où j'écris obligée
ta joue chaude et ton sang tes cheveux emmêlés
et la marque de l'ange à ton souffle endormi
tout cela à veiller, tout cela, toute ma vie
je pourrais ne penser qu'à toi chaque seconde
m'arrêter de vieillir en riant de tes rires
je pourrais oublier que le temps mène la ronde
et prétexter tes soins pour ne plus réfléchir
je pourrais ressortir les photos pour la joie
pour les fêtes et les danses, les Noëls et les Rois
je pourrais fredonner, retrouver la cadence
de celle qui, même un prince, ne mariera
sur le métier, souvent, mes mots ont rejailli
j'y retrouve le temps et les larmes taries
sur le bout de mes doigts où je touche la vie
d'où je viens, je retourne au petit matin gris
sur le pavé fiévreux, sonne l'écholalie
tissée de laine blanche au gré de ma folie
j'y brode des mots de toi, qui grandit quand je penche
je tombe sous ta voix qui fleurit quand je ploie
ne masquez pas mes yeux au jour de ma défaite
je veux te voir courir là où je n'irai pas
je veux mourir debout en te regardant naître
te dire « voici la vie », et t'abandonner là
et tu dors petit corps et tu soupires d'aise
dormir, c'est tout ton règne et c'est tout mon fardeau
et tu attends demain pour m'achever peut-être
que je tresse, martyre, des couronnes de mots